Écrits Nouveaux

Juin 1921

 

André Germain

 

Le retour d’André Gide (1)

 

De plus en plus, nous entrons dans son règne. Maintenant que le seul rival qu'il avait à considérer, Barrès, s'est retiré sous sa tente de journaliste (Anatole France se trouvant déjà dans des régions trop élyséennes pour qu'on puisse l'opposer à aucun mortel), il est seul maître et souverain. A vrai dire, il n'est peut-être pas très fier de ce qu'il a à gouverner : des inférieurs charmants, aucune jeunesse bondissante dont il pourrait un jour craindre — ou espérer? — le coup de pied d'ingratitude et de génie.

Lui aussi (2), durant quatre ans de guerre, il fut silencieux. Silence d'une autre qualité que celui de Barrès, pur et presque complet et sous lequel une fermentation pleine de promesses se laissait deviner. Silence tout de même et que plus d'un, sans doute, parmi les plus sobres et les plus dépouillés martyrs des tranchées, regretta amèrement. Eux à qui demain n'importait plus n'avaient-ils pas, du fond de leurs tanières, une soif singulière de tout ce qui, dans un autre domaine, était désintéressé et élégant ? Avec un altruisme où ils savaient mettre leur revanche, ils se réjouissaient de la vie qui continuait dans les villes, des théâtres remplis et que de loin ils imaginaient spirituels, des musiques encore vibrantes, des femmes encore parées. Mais qui leur eût apporté la délivrance et l'oubli sinon les quelques livres francs et bien écrits qui apparurent à ce moment-là ? Ceux qui témoignaient d'eux sincèrement, le Feu et la Vie des martyrs, ceux qui les emportaient loin d'eux-mêmes dans les patries idéales, l’Ombre de la Croix, Arnica America, et ce livre-là, le plus beau de tous, fait d'un cœur qui se donne avant l'adieu, tissé des brumes mêmes du rêve et du regret, que sur ses mains déjà glacées leur présentait le cher devancier Alain Fournier.

Gide n'a pas embelli ce concert qu'écoutent parmi les écœurements et le fracas les passagers d'une sublime agonie. Il a refusé une note parfaite à des harmonies qu'emportaient dans l'au-delà ces cœurs — si jeunes — qui se taisaient fièrement et pourtant avaient besoin d'être consolés. Pour ce sacrifice qu'il infligeait aux autres et peut-être aussi à lui-même, il s'est donné d'austères motifs. Novo cedat ritui... Discrétion, contemplation devant la rite sanglant qui s'instituait, effaçait tout et était leur saison aux plus délicats des jeux. Motifs ou scrupules que pourtant nous lui contesterons, parce qu'ils n'étaient pas marqués de son sceau. A l'heure d'épreuve, il faut demeurer jusqu'au bout soi-même et non de moindres que soi, fussent ces êtres de toute douleur, une foule en deuil, une foule en sang. Si l'on a choisi d'être Méphistophélès, c'est à l'heure la plus satanique qu'il faut persévérer. Les négations et les rires sans bassesse qui tombent d'une étoile disgraciée peuvent alléger certains héroïsmes, les plus nus, ceux qui refusent d'admettre de haineuses exaltations ou des confusions tendres et brisent les prétextes pour ne s'appuyer que sur eux-mêmes. Ceux-là avaient le droit de tout attendre de Gide, dont le courage fut grand en certaines de ses œuvres et de qui la lucidité peut même sous un ciel vacillant asseoir impitoyablement la pensée.

N'est-ce pas nous attarder trop autour de ce récent passé de M. André Gide que met déjà dans l'ombre sa brillante rentrée, et lui reprocherons-nous encore ceci, que son silence regrettable de cinq années n'ait pas du moins été parfait ? Car il y eut quelques infiltrations, lettre à l'Action française et autres scintillements rapides, et nous eussions préféré nous reposer uniquement sur ce noble exemple d'activité charitable qu'offrit l'auteur de Paludes, travaillant de sa personne au foyer franco-belge. Mais ces querelles refroidies manquent d'actualité et, en tout cas, faute des textes que je n'ai pas sous les yeux, de précision.

Venons donc aux larges dons qu'il nous fit depuis l'armistice et qui ont rouvert sous ses pas un chemin tout amolli des plus délicates pétales du jardin de France.

 

I

Gide traducteur

 

Antoine et Cléopâtre, vus à l'Opéra le 13 juin 1920, demeureront l'un des plus beaux spectacles de ma vie. Le génie de Mme Ida Rubinstein s'en allait à travers les siècles rejoindre — ou heurter ? — celui de Shakespeare. Cette femme princesse et serpent qui a tantôt des sinuosités de reptile auxquelles s'enlace le rythme des tentations éternelles et tantôt des gestes d'impératrices qui posent leur bénédiction sur la splendeur du monde ne fut pas, comme c'est l'usage, une professionnelle de bonne volonté étouffant de sa vulgarité consciencieuse les parfums encore traînants par le monde d'une figure royale mais la légende même de cette figure, telle que l'ont façonnée les incantateurs des grandes époques, ajoutant les merveilles et les tendresses de leur imagination au romanesque de l'histoire.

Ida Rubinstein, Shakespeare... Devant de tels noms, leurs collaborateurs d'aujourd'hui voudraient s'effacer. Rendons pourtant hommage malgré eux à M. de Max dont l'allure altière et la noblesse déchirée furent, ce soir-là plus qu'aucun autre, celles du seul tragédien existant en France depuis Mounet-Sully ou peut-être depuis Talma, à M. Florent Schmitt dont la musique savait nous faire quitter Shakespeare pour d'autres tempêtes à peine moins grandioses, à M. Gide surtout qui interpréta le maître non comme un professeur gêné par sa redingote ou comme un académicien officiellement responsable des canailleries du génie qu'il lui faut museler sous peine d'être cité devant les autorités de la République, mais en gentilhomme euphuiste qui n'aurait pas craint de perfectionner sa langue auprès des matelots de l'Avon et de ces crocheteurs du Port-au-Foin en compagnie desquels Malherbe embarqua notre langue pour d'admirables destinées.

Gide traducteur... Impossible de prononcer ces mots sans qu'auprès de Shakespeare ramené à son temps n'apparaissent la face dévoilée de Conrad et les traits mystiques de Rabindranath Tagore, qu'un miroir respectueux ne peut nous montrer qu'en les enténébrant un peu plus. Il y aurait là matière à tout un chapitre, devant lequel je me récuse humblement. De plus qualifiés que moi doivent un jour, ici même, l'aborder de leur zèle et de leur compétence.

Passons à d'autres parfums, pour lesquels il ne faut pas une cassolette rapportée d'un Horeb ou d'un Sinaï, mais qui sont uniquement ceux de la Sirène qu'en nos filets depuis longtemps préparés nous savons capter.

 

II

La Symphonie pastorale

 

La Symphonie pastorale... Peut-être qu'ici encore je serai mal à l'aise et que je parlerai peu dignement d'une œuvre pour laquelle il faudrait une sobriété, une réserve et une grâce exacte qui ne sont point dans ma manière.

M. André Gide fait d'ailleurs à ses plus fervents amis défense de l'admirer. Il écrit à M. Louis Aragon ces lignes singulières (3) : « Votre phrase sur la Sym. past. m'étonne. Vous n'aimez pas la seconde partie... Serait-ce que vous aimiez la première ?... J'espère bien que non ! Ça ne serait pas la peine d'avoir écrit les Caves... »

Cette phrase me trouble infiniment. Serons-nous condamnés, nous qui adorons la Sym. past., à ne faire partie que du bétail obscur des louangeurs de Gide, non du chœur de ses disciples intelligents ? Étant loyal, j'accepte ce triste classement. Les Caves m'ont choqué et diverti sans me convaincre. Et je préfère à l'étourdissante « sottie » qui caressera jusqu'à la fin des temps les pervers de la forme et les anarchistes de l'esprit, l'austère chef-d'œuvre que peuvent lire de dignes vieilles femmes et que peut approuver l'ombre de Boileau couvant de ses vastes ailes le vieux palais Mazarin, en même temps qu'à côté, rue Guénégaud, le cabinet de travail de M. Paul Souday.

La Sym. past. — comment l'appeler autrement désormais ? — est une tragédie délicate et resserrée. Elle ne comporte que quatre personnages : un pasteur et sa femme, leur fils, et comme dans les drames de M. Claudel, une jeune aveugle. De quelle main experte ils sont peints, qui sans doute caressa et griffa un peu dans le vie des fronts réels dont ceux-ci ne sont, simplifiés et ressuscités selon le procédé de l'art, que le parchemin et la lueur !

Avec ce protéisme qui est sa marque, M. André Gide s'est donné tout entier à ce pasteur consciencieux, de plus en plus doux et tendre à mesure qu'avance sa confession, eau d'amour et de poésie dormant au fond d'un très ennuyeux puits d'ascétisme. Il a failli s'ignorer lui-même. C'est un accident qui le force à se connaître et à nous intéresser humainement, au lieu de saintement nous mortifier... Quant à sa femme Amélie, elle est rendue avec une fidélité et une sorte de rancune qui sont admirables. Elle se montre estimable et atroce autant que le sont généralement les femmes tout à fait vertueuses. Le diable, qui parle souvent à l'oreille de Gide, la lui a soufflée toute vive pour qu'elle serve d'excuse et d'illustration au dessin profond qu'il conçut en contemplant du haut de son arbre la pureté immobile et dangereuse d'Ève sommeillant aux premiers jours du monde.

La jeune aveugle et le fils du pasteur qui, à la fin du roman — quand il n'y a plus d'aveugles — se trouvent être les amants ne sont pas présentés dans la lumière égale qui convient à un couple. Nous aimerions connaître vraiment ce garçon renfermé, si froid et raisonneur d'apparence, peut-être si terriblement brûlant au fond, que son père — pareil à presque tous les pères — ne sait distinguer ; nous, malheureusement, nous ne faisons que l'entrevoir.

Quant à Gertrude — ainsi fut nommée au début de l'histoire l'aveugle encore anonyme — c'est la part du miracle et de la poésie en ce récit qui vise l'exactitude et confine à l'austérité. Nulle autre fois — pas même à travers le sourire torturé d'Alissa — l'âme complexe de Gide n'a à ce point laissé voir ce qu'elle peut refléter de blancheur. Ses préférés, sans doute, ce sont les inquiets et les pervers ; de l'intérêt tour à tour caressant et douloureux qui le penche sur eux, il crée cet étincelant pantin, un Lafcadio, cet admirable damné, le héros de l'Immoraliste. Mais n'allons-nous pas douter tout à coup du choix de son cœur ? Voici qu'une jeune fille vient à nous, couverte de ses seize ans en fleur et d'une lumière d'innocence tellement grave et forte qu'elle-même ne la peut supporter quand l'instant de se connaître, bien terrible, arrive. Le prestigieux auteur lui a confié une si tendre fatalité et des grâces si intimes qu'il semble s'être plu en elle et l'avoir faite de soi ; Gide total, seraient-ce pas le renoncement qui s'exaspère et la délicatesse qui se cherche jusqu'à la souffrance aussi bien que le clair courage de se regarder en face et le franc jeu avec ce fond d'humaine bassesse que la plupart d'entre nous enterrent soigneusement au fond de leur cœur pourri — tant ils ont peur du bruit et de l'odeur que cela ferait ?

Ne quittons pas cette histoire de pasteurs sans parler un peu théologie. Il y a, vers la fin du livre, de troublantes et profondes controverses dont nous aimerions, nous aussi, faire notre profit.

« L'instruction religieuse de Gertrude m'a amené à relire l'Évangile avec un œil neuf. Il m'apparaît de plus en plus que nombre des notions dont se compose notre foi chrétienne relèvent non des paroles du Christ mais des commentaires de saint Paul. » C'est ainsi que commence, le 5 mai, le journal du pasteur. Et d'ajouter aussitôt : « Ce fut proprement le sujet de la discussion que je viens d'avoir avec Jacques. » Ces lignes semblent écrites tout exprès pour nous remuer étrangement. Qui de nous, hélas ! étant un peu passionné par les questions religieuses, n'a senti un pasteur et un Jacques s'agiter à la fois en son esprit ? Jacques, la soumission absolue qui selon une pente logique s'en va du compromis luthérien à l'intransigeance romaine ; le pasteur qui essaie de penser, en toute sérénité chrétienne. « ...Rien n'écarte plus du bonheur qu'une soumission sans amour. » Tout ce qui divise notre pensée — j'allais écrire notre cœur, mais le cœur en ce domaine sublime doit demeurer l'esclave de la pensée — n'est-il pas compris entre ces deux alternatives ?

Tout le reste du chapitre est à lire et à méditer. Il est plein de suggestions. Comme on voudrait qu'il ne s'arrête pas et qu'il envahisse le livre ! En notre vie courte qui nous mène du berceau à la tombe sans nous laisser le temps d'approfondir les données du problème essentiel, nous sommes pressés et nous avons tellement plus besoin de vérité que de fiction, fût-elle enchanteresse. Mais si la subtile discussion se termine vite, ce n'est pas seulement à cause des nécessités d'un récit qui ne peut dévier en pieux examen mais aussi parce que l'auteur ne s'intéresse pas suffisamment à la question posée. Gide manque d'angoisse ; sa curiosité infinie ne devient jamais une brûlante interrogation ; et n'est-ce pas là le principal, le seul vrai reproche que nous osions adresser à ce séducteur ?

J'allais encore parler de son diabolisme, dont nous approche ce goût de se dérober perpétuellement, parent à son tour d'un penchant à nier tout et soi-même qui est pour moi, bien plus que l'amour du mal, la définition de l'esprit de Satan. Mais cela nous mènerait trop loin à propos d'une simple vie de pasteur ; n'est-il pas naturel, en la quittant, de tourner un regard ému vers cette tragédie de tous les jours contée à la manière du grand siècle ? Des sots ont pu prendre Gide pour un excentrique ; la postérité le mettra non loin de Racine, là où le génie de France se sourit à lui-même au-delà des siècles et continue de se contempler en des miroirs aussi limpides que les reflétantes parures de ses parcs d'autrefois.

 

III

Les Souvenirs de Gide

 

De ses souvenirs, M. André Gide ne nous a livré jusqu’ici que des fragments sous un titre presque aussi mystérieux que celui de la Sym. past. : Si le grain ne meurt... Ces épisodes ne semblent guère avoir convaincu les « lettrés », pas plus les Giraudulciens que les Prousthètes. On leur reproche de n'être pas au goût du jour, de n'être ni tout à fait discrets ni suffisamment scandaleux. Raison pour eux de plaire à ce public sans snobisme sur lequel commence de s'appuyer la gloire de Gide et qui déjà l'installe en une demeure définitive.

Envions ceux qui connaîtront un jour dans toute son ampleur cette confession sobre en même temps que précise, colorée délicatement, et qui, bousculant tant de mémoires corrompus au pus déjà stagnant et tant de vertueuses autobiographies où le mort se farde lui-même, s'en ira rejoindre sa sœur du dix-huitième siècle. Ils se repaîtront de délices que nous ne fîmes que concevoir et désirer. Aussi ne peut-on louer en connaissance de cause un édifiée dont nous avons seulement aperçu quelques balcons. Mais peu de matériaux dénoncent un style et nous savons déjà quel sera le ton des souvenirs.

Une constante élégance, une sobriété qui contient l'audace, et cette audace à son tour qui empêche la sobriété de devenir fade, voilà leur marque. Les détails très vrais — par là assez quelconques — auxquels l'auteur s'évertue prennent, selon un procédé magique, du relief et de la saveur ; et sans y consentir peut-être, voilà Gide, même ici, poète. Comment ne pas garder un souvenir un peu ivre d'une promenade aux environs de Nîmes où il nous conduit parmi tant de fleurs, ou de ces simples mots qui font vaciller toute une minutieuse description du jardin de Lamalou-les-Bains ? « Le haut de la falaise était frangé par l'inculte prolongement des jardins de l'hôtel : yeuses, cistes, arbousiers et, courant d'un arbuste à l'autre, puis retombant en chevelure, dans le vide hésitant au-dessus des eaux, le smilax aimé des bacchantes. »

 

J'ai à côté de moi, tandis que j'écris, les Souvenirs. Je les respire de temps en temps et je tâche de m'en exciter. Je voudrais être spirituel à propos de tel passage, faire mon petit geai ; et puis j'ai honte de ce désir ; ne faut-il pas admirer sans l'altérer cette limpidité qui coule et nous entraîne avec elle selon le vif courant de l'enfance ?

Gide enfant est plein de charme. Et de le connaître nous rend plus compréhensifs envers l'homme mûr. Nous possédons maintenant l'aveu et le secret de ses premiers rêves, de ses premières coquetteries, de ses premiers froissements aussi, car cet éveil si particulièrement sensible a été souvent contrarié et torturé. Si des choses de valeur ont été fanées en lui, si le rictus de l'ironie a peu à peu figé cette figure peut-être un jour tendre, telle taloche de camarade, telle piqûre de vertu familiale et tel tsarisme d'éducation n'en sont-ils pas responsables ? Il fallait ouvrir toutes grandes les fenêtres de la vie à cet étrange papillon dont le cœur visait un destin fuyant et dont les ailes ne supportaient pas de contrainte ; ne l'a-t-on pas dévié en l'opprimant ?

 

Traducteur, romancier, mémorialiste, M. André Gide a bien rempli ses années de retraite. Au moment de l'en féliciter, nous nous souvenons tout à coup que lui-même n'est pas content et ne s'admire pas. Pensum académique, murmure-t-il. D’accord avec ses disciples dadaïstes, il s'amuse à n'être que l'auteur de Paludes, des Caves et du Prométhée. Le reste de son œuvre ne lui ou plutôt ne leur (puisqu'il le faut confondre avec cette folle et agréable troupe) plaît plus ; ils trouvent cela poncif et nous l'abandonnent comme un moyen d'engluer notre simplicité et de se rire de nous.

A vrai dire, nous sommes un peu inquiets de voir le grand écrivain, à l'âge des honneurs, errer en semblable compagnie. Ne va-t-il pas lui arriver malheur et dans quel état un de ces jours ne nous le rapportera-t-on pas ? Ces jeunes gens, par principe, sont capables de tout. Froids et élégants autant que mystificateurs, ils s'exercent à n'aimer que l'acte nu de toute cause et le crime sans but utilitaire ni prétexte ennoblissant. Ce sont des Sades perfectionnés et de petits Robespierres sans jargon ; ils ont un art si joli de couper la tête au langage et à la pensée ! N'est-il pas à craindre qu'une fois ils n'appliquent à leur maître la méthode que celui-ci, dans un chemin de fer, enseigna à son Lafcadio et que, par un geste absolument désintéressé, ils ne le précipitent tout à coup d'un soupirail de l'Hôtel des Grands hommes sur le pavé de la place du Panthéon ou, plus irréparablement, d'un entresol du quai de Bourbon dans le fleuve toujours affamé de Sirènes ?

Peut-être (et c'est la plus douce hypothèse) n'agiront-ils que symboliquement et se borneront-ils à déclarer solennellement que Gide ne leur agrée plus et que le seul chef qu'ils honorent, ayant assassiné les autres, n'est pas lui mais Barrès (4). Alors, s'il lui en prend fantaisie, le maître renié pourra se retourner vers son troupeau et trouver dans une admiration justement bêlante et fidèle un dédommagement à la délicate trahison de ses disciples.

 

(1) La Symphonie pastorale aux éditions de la Nouvelle Revue française. Dans la revue, « Antoine et Cléopâtre », « Si le grain ne meurt », quatre fragments.

(2) Voir « l'Automne de Barrès », dans les Écrits nouveaux, numéro de mai.

(3) Littérature, septembre-octobre 1920.

(4) Est-ce abuser d'une confidence que de révéler que dans l'intimité ils se montrent tout à fait respectueux et tendres envers ce dernier ?