ANDRÉ GIDE EN CITATIONS

La plupart de ces citations ont été publiées dans différents B.A.A.G (dont le n° 45, janvier 1980, pp. 107-110).

Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant.

(Les Faux Monnayeurs, Romans, p. 1215).

Ma propre position dans le ciel, par rapport au soleil, ne doit pas me faire trouver l'aurore moins belle.

(Ainsi soit-il, J II p. 1243, Souvenirs et voyages, p. 1073.)

Familles, je vous hais ! foyers clos , portes refermées, possessions jalouses du bonheur.

(Les Nourritures terrestres, Romans, p. 186).

À quoi reconnais-tu que le fruit est mûr ? - À ceci, qu'il quitte la branche.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 261).

Comme j'irais bien, sans tous ces gens, qui me crient que je vais mal !

(Un Esprit non prévenu, I, Divers, p. 186.)

La chose la plus difficile, quand on a commencé d'écrire, c'est d'être sincère.

(Journal, 31 décembre 1891, p. 145.)

Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée.

(Les Nourritures terrestres, Romans, p. 155.)

Fais ton bonheur d'augmenter celui de tous.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 299.)

Mon esprit est avant tout ordonnateur. Mais mon coeur souffre de laisser rien à la porte.

(Un Esprit non prévenu, I, Divers, p. 59.)

Comme Chopin par les sons, il faut se laisser guider par les mots.

(Caractères, Divers, p. 17.)

Pour bien juger, il faut s'éloigner un peu de ce que l'on juge, après l'avoir aimé Cela est vrai des pays, des êtres et de soi même.

(Caractères, Divers, p. 31.)

La nécessité de l'option me fut toujours intolérable, choisir m'apparaissait non tant élire, que repousser ce que je n'élisais pas.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 183.)

Un bonheur fait d'erreur et d'ignorance, je n'en veux pas.

(Oedipe, Théâtre p. 293.)

Connais toi toi même. Maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s'observe arrête son développement.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 285.)

C'est mon enfance solitaire et rechignée qui m'a fait ce que je suis. (Journal, 10 juin 1891, p. 131)

La mélancolie n'est que de la ferveur retombée.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 157.)

Les rapports de l'homme avec Dieu m'ont de tout temps paru beaucoup plus importants et intéressants que les rapports des hommes entre eux.

(Ainsi soit-il, J II p. 1175, Souvenirs et voyages, p. 1005-1006.)

C'est du point de vue de l'art qu'il sied de juger ce que je j'écris [...] C'est du reste le seul point de vue qui ne soit exclusif d'aucun des autres.

(Journal 13 octobre 1918, p. 1072.)

Ce n'est pas seulement le monde qu'il s'agit de changer , mais l'homme.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 292.)

On appelle joie cet état de l'être qui n'a besoin de rien pour se sentir heureux.

(Un Esprit non prévenu, I, Divers, p. 67.)

Dieu, disait Ménalque, c'est ce qui est devant nous.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 155.)

L'exigence de mon oreille, jusqu'à ces dernières années, était telle, que j'aurais plié la signification d'une phrase à son nombre.

(Journal, 23 février 1923, p. 1207.)

Je parviens bien difficilement, bien rarement, à avoir le même âge tous les jours.

(Ainsi soit-il, J II p. 1203, Souvenirs et voyages, p. 1031.)

Savoir se libérer n'est rien , l'ardu, c'est savoir être libre.

(L'Immoraliste, Romans, p. 372.)

Que mon livre t'enseigne à t'intéresser plus à toi qu'à lui même, - puis à tout le reste plus qu'à toi.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 153.)

Toutes choses sont dites déjà, mais comme personne n'écoute, il faut toujours recommencer.

(Le Traité du Narcisse, Romans, p. 3.)

Je n'ai jamais bramé pour personne.

(Ainsi soit-il, J II p. 12, Souvenirs et voyages, p. 1070.)

Il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 288.)

Que ta vision soit à chaque instant nouvelle. Le sage est celui qui s'étonne de tout.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 162.)

Attendons de partout la révélation des choses ; -- du public, la révélation de nos oeuvres.

(Paludes, Romans, p. 89).

Je sens en moi, certains jours, un tel envahissement du mal, qu'il me semble déjà que le mauvais prince y procède à un établissement de l'Enfer.

(Journal des Faux Monnayeurs, « Identification du Démon », éd. 1927, p. 144).

Un personnage ne m'intéresse jamais tant que lorsqu'il est créé tout entier, comme Ève, de la chair même de l'auteur; non point tant observé qu'inventé.

(Divers, lettre à Ch. Du Bos, automne 1920, p. 130).

Un grand homme n'a qu'un souci devenir le plus humain possible,-- disons mieux devenir banal.

(Prétextes, « De l'influence en littérature », éd. 1963, p. 15).

J'ai connu ce destin bizarre (peut-être unique) d'être magnifié par l'attaque avant de l'avoir été par l'éloge.

(Correspondance avec A. Rouveyre, 31 octobre 1924, p. 84).

Je tiens que la meilleure explication d'une oeuvre ce doit être l'oeuvre suivante.

(Lettre à Jean Cocteau, sans date, Incidences, éd. 1951, p. 66).

Il faut porter jusqu'à la fin toutes les idées qu'on soulève.

(Paludes, « Dimanche », Romans p. 143).

Ce qui manque à chacun de mes héros, que j'ai taillés dans ma chair même, c'est ce peu de bon sens qui me retient de pousser aussi loin qu'eux leurs folies.

(Journal des Faux monnayeurs, II, éd. 1927. p. 94).

Dans un monde où chacun se grime, c'est le visage nu qui paraît fardé.

(Divers, lettre à X, 1928, p. 203).

Dans l'oeuvre d'art [..], Dieu propose et l'homme dispose.

(Prétextes, « Limites de l'Art », éd 1963, p. 26).

Je ne puis admirer pleinement le courage de celui qui méprise la vie.

(Journal des Faux Monnayeurs, II, éd. 1927, p. 80).

Nous ne valons que par ce qui nous distingue des autres ; l'idiosyncrasie est notre maladie de valeur.

(Paludes, « Le Banquet », Romans, p. 120).

Je crois maladroit, improfitable, ininstructif de se mettre uniquement sur le plan du bien et du mal pour juger les actions humaines, ou plus exactement, pour en apprécier la valeur.

(Divers, lettre à M. Belgion, 22 novembre 1929, p. 207).

Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur.

(Les Nouvelles Nourritures, I, 1, Romans, p. 258).

Le propre du diable dont le motif d'introduction est : « Pourquoi me craindrais tu ? Tu sais bien que je n'existe pas. »

(Journal des Faux-Monnayeurs, I, éd. 1927, p. 39).

Aucunes choses ne méritent de détourner notre route ; embrassons-les toutes en passant ; mais notre but est plus loin qu'elles.

(La Tentative amoureuse, Romans, p. 84-85).

J'aimerais mieux marcher aujourd'hui sur les mains, plutôt que de marcher sur les pieds -- comme hier !

(Paludes, « Le Banquet », Romans, p. 122).

Le secret du grand romancier n'est pas dans la domination des situations, mais bien dans la multiplicité de ses possibilités, de ses complicités intimes.

(Divers, lettre à Ch. Du Bos, automne 1920, pp. 131-132).

C'est parce que tu diffères de moi que je t'aime ; je n'aime en toi que ce qui diffère de moi.

(Les Nourritures terrestres, «Envoi», Romans, p.  248).

Chaque être ne comprend vraiment en autrui que les sentiments qu'il est capable lui même de fournir.

(Journal des Faux-Monnayeurs, II, éd. 1927, p. 67).

Quand un philosophe vous répond, on ne comprend plus du tout ce qu'on lui avait demandé.

(Paludes, « Le Banquet », Romans, p. 115-116).

Supprimer en soi l'idée de mérite ; il y a là un grand achoppement pour l'esprit.

(Les Nourritures terrestres, I, 1, Romans, p. 154).

Ce qui échappe à la logique est le plus précieux de nous-même.

(Journal, juin 1927, t. II, éd. 1996, p. 37).

Les bourgeois honnêtes ne comprennent pas qu'on puisse être honnête autrement qu'eux.

(Les Faux-Monnayeurs, Romans, p. 954).

Inquiéter, tel est mon rôle.

(Journal des Faux-Monnayeurs, II, éd. 1927, p. 111).

Supprimer en soi le dialogue, c'est proprement arrêter le développement de la vie. Tout aboutit à l'harmonie.

(Journal, juin 1927, t. II, éd. 1996, p. 37).

L'important n'est pas tant d'être franc que de permettre à l'autre de l'être.

(Les Faux-Monnayeurs, Romans, p.  1006).

Les plus douteux égarements de la chair m'ont laissé l'âme plus tranquille que la moindre incorrection de mon esprit.

(Journal des Faux-Monnayeurs, II, éd. 1927, p. 56).

Ce qu'on appelle un « esprit faux » [...] -- eh bien ! je m'en vais vous le dire : c'est celui qui éprouve le besoin de se persuader qu'il a raison de commettre tous les actes qu'il a envie de commettre ; celui qui met sa raison au service de ses instincts, de ses intérêts, ce qui est pire, ou de son tempérament.

(Journal des Faux Monnayeurs, II, éd. 1927, pp. 58-59).

À mesure qu'une âme s'enfonce dans la dévotion, elle perd le sens, le goût, le besoin, l'amour de la réalité.

(Les Faux Monnayeurs, Romans, p. 1016).

Ce sont nos larmes seulement qui font germer autour de nous les tristesses.

(La Tentative amoureuse, Romans, p.  85).

Du rassasiement des désirs peut naître, accompagnant la joie et comme s'abritant derrière elle, une sorte de désespoir.

(Les Faux-Monnayeurs, Romans, p. 982).

Je n'aime pas les hommes , j'aime ce qui les dévore.

(Le Promethée mal enchaîné, Romans, p. 322.)

En vérité, le bonheur qui prend élan sur la misère, je n'en veux pas.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 268).

Formes diverses de la vie, toutes vous me parûtes belles.

(Les Nourritures terrestres, Romans, p. 158.)

Jamais un homme, je ne serai qu'un enfant vieilli. Je vis avec l'inconséquence d'un poète lyrique.

(Journal, 15 mai 1906,p. 535.)

Ne souhaite pas, Nathanaël, trouver Dieu ailleurs que partout.

(Les Nourritures terrestres, Romans, p. 154.)

Comédien ? peut-être, mais c'est moi-même que je joue.

(Cahiers d'André Walter, «Le Cahier blanc», ed 1952, p. 61.)

Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison.

(Journal, fin septembre 1894, p. 178.)

Ne sacrifie pas aux idoles.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 300.)

Je sens en moi l'impérieuse obligation d'être heureux.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 269.)

Ce qui nous touche de trop près n'est jamais de conquête bien profitable.

(Oedipe, Théâtre p. 282.)

Ne laisse plus le poids du plus léger passé t'asservir.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 255.)

Il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions. L'esprit de l'homme invente ensuite le problème.

«feuillets d'automne» dans Journal fin 1947, p. 1043.)

Les Mémoires ne sont jamais qu'à demi sincères, si grand que soit le souci de vérité tout est toujours plus compliqué qu'on ne le dit. Peut-être même approche-t-on de plus près la vérité dans le roman.

Si le grain ne meurt dans Souvenirs et voyages, p. 267.

C'est vers la volupté que s'efforce toute la nature.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 280.)

L'art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté.

(Prétextes, «L'Évolution du théâtre», Essais critiques, p. 437.

Assumer le plus possible d'humanité, voilà la bonne formule.

(Les Nourritures Terrestres, Romans, p. 158.)

Chaque animal n'est qu'un paquet de joie.

(Les Nouvelles Nourritures, Romans, p. 254.)

La perfection classique implique, non point certes une suppression de l'individu (peu s'en faut que je ne dise : au contraire), mais la soumission de l'individu, sa subordination, et celle du mot dans la phrase, de la phrase dans la page, de la page dans l'oeuvre. C'est la mise en évidence d'une hiérarchie.

(«Réponse a une enquête de la Renaissance sur le Romantisme et le Classicisme» reprise dans Incidences, Essais Critiques, p. 279).

L'oeuvre classique ne sera forte et belle qu'en raison de son romantisme dompté.

(Incidences, Essais Critiques, p. 281).

J'ai souvent pensé [...] qu'en art, et en littérature en particulier, ceux-là seuls comptent qui se lancent vers l'inconnu. On ne découvre pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue, d'abord et longtemps, tout rivage. Mais nos écrivains craignent le large; ce ne sont que des côtoyeurs.

(Les Faux-Monnayeurs, Romans, p.1214.)

J'ai si grand'peur, et il me déplairait tant, de laisser la passion incliner ma pensée, que c'est souvent au moment qu'il me veut le plus de mal que je suis tenté de dire le plus de bien de quelqu'un.

(Journal des Faux-Monnayeurs, II, éd. 1927, p. 85)

Car sache que, dans les Enfers, il n'est pas d'autre châtiment que de recommencer toujours le geste inachevé de la vie.

(Thésée, Romans, p. 1243.)

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