Le Disque vert
FRANZ HELLENS juillet 1922
Quelques livres, revues. André Gide : Les Caves du Vatican. (Ed. Nouvelle Revue française, Paris) Chez André Gide, le sujet nest généralement intéressant que par le caractère quil y met; lintrigue est morale et se corse avec la psychologie des personnages; la part dimprévu que le lecteur réclame dans le développement du roman, se trouve moins dans les épisodes, dans les faits habilement opposés, que dans les hommes eux-mêmes, dont la mentalité et le caractère offrent une suite de curieux mouvements, aux variations miroitantes pleines de reflets inattendus. Cest ce qui nous fait aimer infiniment ´Les Caves du Vaticanª, un livre qui ne contient pas plus ´dhistoireª que les autres ouvrages de Gide, mais où lhistoire se forme dune infinité de particules composant, à la fin, un ensemble imposant. Nous suivons avec moins davidité lanecdote du voyageur de Fleurissoire en Italie, pour sassurer du fait que le Pape serait prisonnier dans les caves du Vatican, que les mille caprices des personnages qui évoluent autour de lui et leurs dialogues drôles et souvent pétillants. La figure centrale du livre, Lafcadio Wluicki, où lon retrouve les traits de limmoraliste cher à lauteur de ´Paludesª, nous intéresse surtout par ses aspects dhomme cosmopolite et par son élégance harmonieusement poussée. Quil aille jusquau crime, un crime qui doit être étrange, subit, ´désintéressé et purª, le fait ne vaut que parce quil est parfaitement expliqué par le personnage lui-même et le résultat logique de ses actes antérieurs, moraux et physiques. Les caractères de ce livre sont décrits par petites touches extérieures successives, à petits traits qui sont chacun un geste, une façon de regard, un mot, un son de voix, un silence. Gide a le don de se renouveler sans cesser dêtre lui-même. On retrouve dans ´Les Caves du Vaticanª le goût des idées acides, des paradoxes colorés; ses phrases chargées délectricité jettent des étincelles, comme des cailloux entrechoqués. Ce livre est sans doute aussi inquiétant que les précédents, bien quil paraisse plus extérieur et plus chargé de fantaisie. Sil frise le roman daventures, cest surtout par le mouvement, par lallure du récit, des dialogues, par une série de petits tableaux se succédant avec la rapidité des images sur lécran du cinéma, par le pittoresque de certaines scènes (je pense aux déboires du voyageur en proie aux punaises, aux puces et aux moustiques!), et aussi par le fait dun style extrêmement rapide, un style qui va, qui galope, bondit, se cabre, non sans samuser aux détails de la route. Numérisation : Jacques COTNAM, pour Gidiana, février 2001. |
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