Colloque de Paris 1988

Alain GOULET, « L'ironie pastorale en jeu »,

Colloque « 1918 dans l'itinéraire d'André Gide » [Paris, Sénat, 1988],

BAAG, n° 78-79, avril-juillet 1988, pp. 41-57.

 

© Alain GOULET

 

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Texte mis en ligne sur Gidiana le 15 décembre 1999.

 

 

     L'année 1918, pour Gide, c'est d'abord celle de la rédaction de La Symphonie pastorale,de février à novembre. La question fondamentale d'où je partirai est celle que formulait Claude Martin, dans l'introduction de sa magistrale édition critique :

 

« Pourquoi, tout soudain, en février 1918, plutôt qu'à tel autre moment, [Gide s'est-il] mis à vouloir écrire ce livre, ou plutôt, selon ses propres termes, ce livre s'est-[il] mis à vouloir être écrit par lui » ?1

     Pourquoi en effet, alors que le projet initial de L'Aveugle daterait de 18932 et avait sans cesse été différé depuis lors ? Pourquoi, alors qu'en 1913, dans son épitre dédicatoire des Caves du Vatican à Jacques Copeau, Gide écrivait :

 

« [...] il m'apparaît que je n'écrivis jusqu'aujourd'hui que des livres ironiques (ou critiques, si vous le préférez), dont sans doute voici le dernier. »3

     Et cette volonté de conversion littéraire, de renoncement à l'écriture ironique pour passer aux formes de l'affirmation du Moi, se traduit, en 1918, par deux livres en chantier dont l'enjeu pour lui est considérable : Corydon et Si le grain ne meurt, après qu'une autre quête de soi, de nature religieuse -- je veux parler de Numquid et tu...? -- s'est trouvée suspendue en juin 1917, attendant d'être prolongée -- ce qui fut effectivement le cas par le point d'orgue de 1919. Pourquoi alors renouer avec une ironie si grinçante et avec un sujet dont Gide affirme -- avec une insistance suspecte -- qu'il lui est devenu étranger ?4

     Pourquoi, alors qu'en 1914 Gide a annoncé la publication de sa [42] prochaine oeuvre « en préparation » : Le Faux-monnayeur, un roman5 , et que de toute évidence l'esthétique de La Symphonie pastorale est régressive par rapport aux recherches en cours pour l'élaboration d'un nouveau roman, retrouvant la linéarité du récit à la première personne, comme dans L'lmmoraliste ou La Porte étroite ?

     Manifestement La Symphonie pastorale est un livre improbable, surgi en contradiction avec toute logique apparente, c'est-à-dire dont la nécessité doit être d'autant plus forte qu'elle est moins évidente. Pourquoi donc Gide a-t-il besoin, en 1918, de se purger de ce vieux projet ? Quelle peut être la part de son investissement personnel dans cette écriture ironique ? et corrélativement, le mode de « rétroaction du sujet sur lui-même » 6, selon la formule célèbre qui encadre l'expression de la « mise en abyme » ?

     À cette série de questions concernant l'auteur, ajoutons cette autre, concernant le lecteur : pourquoi faut-il que, de toute la production gidienne, la Symphonie soit et demeure l'oeuvre la plus connue, la plus lue ? Montherlant estimait que « les oeuvres qui durent ne durent que par des malentendus ». De fait, se pose nettement la question des malentendus de la lecture de La Symphonie pastorale, de la multiplicité des lectures possibles, c'est-à-dire de l'ambiguïté du texte, de la variété de ses registres, de la complexité de ses modalisations. Du Bos avait aussitôt signalé le « trouble du fond transparaissant sous la limpidité de la forme ». Par ce biais encore, nous retrouvons le problème de l'ironie de l'écriture. Car l'ironie, écart entre le dit et le sens, n'existe qu'autant qu'elle est perçue par le lecteur et dans la mesure de son appréciation. Or, « rien de plus difficile à comprendre, de plus indéchiffrable que l'ironie », écrit Sciascia7.

     Schématiquement, le lecteur de la Symphonie oscille entre deux positions extrêmes : ne pas percevoir d'ironie, adhérer au personnage du Pasteur, à sa voix, à sa rhétorique, à sa justification de soi. Alors, de même que le Pasteur domine tous les personnages en les prenant dans les rets de son point de vue et [43] de ses explications, de même il dispose de son lecteur en inclinant, par son récit et son discours, son esprit et sa sensibilité en sa faveur. C'est le régime euphorique de la Symphonie, réduite à l'harmonie. Ou alors, être si sensible aux dissonances, à une ironie parfois si appuyée, tendant à des effets caricaturaux8 comme ce sera le cas dans Robert, être si indisposé par la fausse monnaie du personnage comme du narrateur, que son plaidoyer se retourne en un constant réquisitoire.

     Si la première position semble assez répandue, celle de la lecture naïve d'une écriture régie par la transparence et la transitivité auteur /narrateur /personnage /lecteur, il faut reconnaître qu'elle n'est guère tenable. Car pourquoi alors la fatalité, l'ironie du sort, la révolte de ses proches, accableraient-elles notre bon pasteur si dévoué ? Quant à la seconde position, celle du régime ironique constant, outre qu'elle ressortit avant tout de la répudiation morale d'un « salaud », au sens sartrien du terme9, elle présente l'inconvénient de dédouaner a priori l'auteur, et de conforter sa distance critique radicale vis-à-vis de son personnage narrateur, comme Gide avait cherché à l'accréditer. Ou alors il faudrait conférer à la notion d'ironie l'acception large que lui donnent Lukacs et Goldmann, définissant la « situation du romancier par rapport à l'univers qu'il a créé ; il dépasse mais de façon abstraite, non vécue la conscience possible de son héros »10 : mais l'ironie devenant inhérente à l'écriture romanesque, nous perdrions alors la spécificité de l'ironie pastorale.

     En fait, le statut de la voix narrative est éminemment variable, ambigu, oscillant de la ferveur à l'ironie. Tantôt nous nous trouvons dans le régime du lyrisme et de l'émotion, comme dans ce passage initial de la redécouverte du « petit lac mystérieux » et de la contemplation émue du paysage environnant, au soleil couchant (p. 6), qui présente bien des traits d'une anamnèse ; ou encore à quelques moments de vraie rencontre, de communion entre le Pasteur et sa pupille, comme lors des larmes de Gertrude (p. 52). L'adhésion qui se produit alors entre l'auteur, le narrateur, le [44] personnage et le lecteur laisse supposer une charge d'investissement particulière de Gide, une participation inconsciente et/ou libidinale qui confère au texte sa dimension d'auto-analyse. Tantôt se déploient divers registres de l'ironie, qui retourne les propos du Pasteur en autant d'actes d'accusation dressés contre lui, ou qui caractérise certaines remarques d'Amélie ou de Jacques que notre Pasteur s'obstine à retranscrire en se refusant de les comprendre. Notons que le mot d'« ironie » apparaît deux fois sous la plume du Pasteur. Une première fois pour caractériser sa propre déclaration de guerre vis-à-vis de Jacques (p. 62), et la seconde, pour en faire grief à sa femme, à propos d'une remarque qu'il n'a pas comprise : « il ne m'a pas été donné d'être aveugle » (p. 100). Ainsi est soulignée la dissymétrie des relations interpersonnelles : si le Pasteur domine son fils par sa parole, il subit la domination de la parole et du point de vue de sa femme. Entre ces deux régimes textuels, s'étagent d'autres modes d'énonciation d'une réception moins délicate, encore qu'ils puissent être porteurs d'ironie : le discours référentiel, pédagogique, scientifique, objet allégué du Premier Cahier (cf. : « C'est l'histoire du développement intellectuel et moral de Gertrude que j'ai entrepris de tracer ici », p. 54); le débat théologique ; ou la narration proprement romanesque par exemple.

II

     Pour mieux cerner à présent la nature et l'enjeu de l'ironie, étant donné qu'elle implique une information double et un double destinataire, il nous faut nous demander pour qui le Pasteur écrit et pour qui Gide écrit.

     Jamais le Pasteur n'explicite un destinataire : il n'écrit pas vraiment pour lui-même si, de toute évidence, son récit l'aide à voir clair dans l'enchaînement des événements et en lui-même (comme l'atteste en particulier le début du Deuxième Cahier : « La nuit dernière j'ai relu tout ce que j'avais écrit ici... » etc., p. 85) ; ni pour aucun des siens. Apparemment, il n'écrit que pour un [45] lecteur anonyme, un « on », ou mieux pour le tribunal de la postérité devant lequel il se sent le besoin de se justifier, comme le Rousseau des Confessions. Car son récit est entièrement pris dans les mailles du discours de l'auto-justification, porteur précisément du discours de la mauvaise foi.

     Prenons garde, toutefois, à la pratique de la dénégation, qui est une des clés de l'ironie et un révélateur privilégié de la mauvaise foi. Le seul destinataire qui soit évoqué comme possible, éventuel, est révoqué en tant que destinataire naturel, intentionnel. Il ne pourrait le devenir que d'une façon oblique, accidentelle, dans un futur peu probable, mais qui suffit à impliquer Amélie comme Surmoi, et pour tout dire sur-lecteur. Car c'est bien entendu d'elle qu'il s'agit. S'apprêtant à l'exécuter, le Pasteur proteste de son impartialité :

 

« [...] je l'atteste solennellement pour le cas où plus tard ces feuilles seraient lues par elle." (p. 30)

     Manifestement, ce qui apparaît comme une incidente tout en prenant la forme d'un serment emphatique fait émerger un aveu implicite : Amélie est reconnue comme contre-point de vue, comme contre-lecteur, la seule de son entourage qui puisse avoir barre sur lui (nous l'avons déjà vu lorsque le Pasteur se reconnaît victime de son ironie), la seule qui ne puisse se laisser abuser par son argumentation et soit susceptible de démasquer ses sophismes et sa mauvaise foi. Elle ne peut donc être la vraie destinataire, et c'est pourquoi le Pasteur multiplie les signes qui la constituent explicitement en objet de récit ou de discours. Ainsi, transcrivant les paroles de Gertrude qui parle de « ma tante », il précise dans une parenthèse : « c'est ainsi qu'elle appelait ma femme » (p. 46). Mais en même temps, il signale implicitement que l'ironie de son texte tiendra dans l'écart de sens entre son point de vue et celui de sa femme, entre le lecteur naïf qu'il persuade et celui qui le juge du point de vue d'Amélie. Plus encore, c'est le point de vue introjecté de sa femme qui le pousse à écrire, à argumenter et qui fait éclater sa mauvaise foi. Son plaidoyer pro domo est une [46] réponse à un acte d'accusation implicite dressé par une Amélie transformée en statue du Commandeur, ou plus exactement à ses reproches d'autant plus efficaces qu'il les sait obscurément fondés. C'est pourquoi son discours est un discours schizophrénique, qui tente de se débarrasser du point de vue d'Amélie en s'affirmant serviteur de Dieu, un débat de soi contre soi, tels les fameux Dialogues : Rousseau juge de Jean-Jacques. Mais sa tentative est vouée à l'échec : plus il veut convaincre, protester de sa bonne foi, plus il fait appel à des arguments apparemment irréfutables, fondés sur son sens du devoir et sa qualité de Pasteur, plus il manifeste qu'il est un « salaud » et qu'il se sait coupable. Tel est le piège impitoyable de l'ironie.

     Pour étudier son fonctionnement, prenons pour exemple l'argumentation du Pasteur qui rend précisément nécessaire la convocation et la révocation d'Amélie comme lecteur et comme juge. Le Docteur Martins vient d'exposer une méthode d'éducation pour aveugles, et l'a commentée à l'aide d'exemples. Notre Pasteur se met à la tâche et montre que les obstacles ne se trouvent pas là où on les attendrait :

 

Il y fallut, dans les premières semaines, plus de patience que l'on ne saurait croire, non seulement en raison du temps que cette première éducation exigeait, mais aussi des reproches qu'elle me fit encourir. Il m'est pénible d'avoir à dire que ces reproches me venaient d'Amélie ; et du reste, si j'en parle ici, c'est que je n'en ai conservé nulle animosité, nulle aigreur -- je l'atteste solennellement pour le cas où plus tard ces feuilles seraient lues par elle. ( Le pardon des offenses ne nous est-il pas enseigné par le Christ immédiatement à la suite de la parabole de la brebis égarée ?) Je dirai plus : au moment même où j'avais le plus à souffrir de ses reproches, je ne pouvais lui en vouloir de ce qu'elle désapprouvât ce long temps que je consacrais à Gertrude. Ce que je lui reprochais plutôt c'était de n'avoir pas confiance que mes soins pussent remporter quelque succès. Oui, c'est ce manque de foi qui me peinait ; sans me décourager du reste. Combien souvent j'eus à l'entendre répéter : [47] « Si encore tu devais aboutir à quelque résultat... » Et elle demeurait obtusement convaincue que ma peine était vaine ; de sorte que naturellement il lui paraissait mal séant que je consacrasse à cette oeuvre un temps qu'elle prétendait toujours qui serait mieux employé différemment. Et chaque fois que je m'occupais de Gertrude elle trouvait à me représenter que je ne sais qui ou quoi attendait cependant après moi, et que je distrayais pour celle-ci un temps que j'eusse dû donner à d'autres. Enfin, je crois qu'une sorte de jalousie maternelle l'animait, car je lui entendis plus d'une fois me dire : « Tu ne t'es jamais autant occupé d'aucun de tes propres enfants. » Ce qui était vrai ; car si j'aime beaucoup mes enfants, je n'ai jamais cru que j'eusse beaucoup à m'occuper d'eux. (p. 30-32)

     La première phrase expose les faits qui rendent nécessaire l'argumentation qui suit. La tournure impersonnelle (« Il y fallut ») tend à donner le sentiment d'objectivité du récit, tout en plaçant le Pasteur en position de victime : il est tout entier « patience » -- bien davantage encore que le « on » destinataire de son récit, vous et moi, pourrait l'imaginer --, soumis à la double necessité du « temps » qui fait naturellement partie de la mise en pratique de la méthode mais aussi des « reproches », contrefacteur de réussite, obstacle supplémentaire et parasite qui rend la tâche plus difficile. Ces reproches, qui n'ont encore ni agent, ni contenu, placent le Pasteur en position défensive. Mais s'ils existent et prennent une telle importance, c'est parce qu'Amélie l'a mis en position de se les adresser à lui-même, c'est parce que c'est lui-même qui se fait des reproches, -- ce qu'il va bientôt reconnaître. C'est parce qu'il admet leur validité et leur intégration à l'oeuvre d'éducation (c'est la « première éducation » qui « me [les] fit encourir ») que ces reproches entraînent une argumentation de la justification personnelle où va se déployer l'ironie involontaire du personnage.

     Toute l'argumentation tiendra dans cette stratégie  : Amélie a certes raison du point de vue humain, de sa logique ménagère et utilitariste. Mais alors qu'elle s'est enfermée dans une vue étroite, mesquine et [48] terrestre des choses --ce qu'il répétera chaque fois qu'il le pourra, et avec quelle hargne ! --, il obéit pour sa part à une éthique supérieure, il relève de l'amour évangélique. Plus : il est l'incarnation du Bon Pasteur, le modèle de l'imitation de Jésus-Christ à la manière de Gide qui, après avoir répondu aux reproches des pharisiens : Numquid et tu...?, dressera son portrait sous les auspices de cette parole du Christ : Si le grain ne meurt11, se désignant ainsi, dans une fausse humilité, comme modèle de l'obéissance au Christ, s'affirmant en donnant l'air de se résigner. Mais n'anticipons pas et revenons à la logique de notre Pasteur.

     Ayant posé les reproches comme un fait autonome inhérent à son oeuvre d'éducation, il éprouve la plus grande difficulté à en désigner la coupable : « Il m'est pénible d'avoir à dire que ces reproches me venaient d'Amélie ». L'embarras de l'argumentation, la complexité des modalisations, constituent un indice des plus constants du discours de la mauvaise foi, donc de l'ironie. En désignant l'origine des reproches qui m'affectent et entravent la bonne marche de mes efforts, je n'obéis à nul désir de revanche, car cela « m'est pénible », mais bien à un devoir supérieur : j'ai « à dire ». Notre Pasteur tente donc d'abord de se débarrasser de ces « reproches » introjectés en les extériorisant, en les retournant à leur source, manoeuvre qui ne peut réussir complètement car, nous l'avons vu, il sait au fond de lui que ces reproches sont justifiés et le reconnaîtra : « Je ne pouvais lui en vouloir de ce qu'elle désapprouvât ce long temps que je consacrais à Gertrude » et : « je n'ai jamais cru que j'eusse beaucoup à m'occuper de mes enfants ». Mais en nommant Amélie, il parvient à se libérer d'elle comme sujet introjecté, comme Surmoi, la réduisant à l'état d'objet dans son discours. Se défendant de la mettre en accusation, puisqu'il n'est animé par « nulle animosité, nulle aigreur », il la rejette du même coup comme interlocutrice pouvant pourvoir à sa défense. Au reste, il ne se justifie pas pour elle -- puisqu'elle ne pourrait être que le destinataire occasionnel de son discours, comme par effraction et après coup --, mais pour ce « on » du lecteur qu'il faut persuader. Pour mieux y parvenir il proteste donc de son respect pour sa [49] femme à défaut d'amour. Mais dire qu'il n'a « conservé nulle animosité, nulle aigreur » de ces reproches, c'est avouer, par la dénégation, son animosité réelle au moins dans le passé, et s'il croit pouvoir affirmer ne plus en éprouver aujourd'hui, c'est parce que le fait d'en parler, loin d'être la preuve de son détachement, est l'occasion de sa revanche qu'il se défend de prendre. Protestant que son propos n'est pas double, il reconnaît qu'il l'est, puisque son critère de véracité (« et du reste, si j'en parle ici, c'est que »...) se retourne en preuve de sa duplicité.

     Pour mieux placer Amélie sur la touche et mieux la disqualifier, le Pasteur procède alors au déploiement de la topique qui définit sa position, atteste sa parole, et la transforme en discours de vérité : le serment qu'il vient de faire devant le tribunal des hommes (« je l'atteste solennellement ») est rendu irrécusable par sa fonction pastorale. Mieux : étant lui-même l'incarnation du Bon Pasteur qui a recueilli la brebis égarée, il va de soi qu'il pardonne aussi les offenses notamment celles d'Amélie qui a osé contrarier son oeuvre christique par ses reproches. Loin de n'être qu'une incidente, la parenthèse se révèle donc être la pierre angulaire de l'argumentation qui suit. Car fort de parler désormais, non plus en homme empêtré dans ses relations transférentielles avec sa femme, mais au nom du Christ, il peut revenir sur le contenu des reproches qu'il n'a pas encore explicités.

     Si les reproches portant sur le temps consacré à Gertrude sont fondés -- ce qui est du reste la condition sine qua non pour que la notion de reproche fonctionne --, alors ce n'est pas là que git « l'offense ». L'offense provient du fait qu'Amélie « n'a pas confiance » dans le succès de ses soins, c'est-à-dire qu'elle n'a pas « foi » en lui. Insidieusement, notre Pasteur sort de sa fonction de pasteur, c'est-à-dire de ministre de la Parole, pour entrer dans celle de prêtre, c'est-à-dire de représentant et de médiateur de Dieu. Il se fait « El Hadj »12. Il a besoin que sa femme croie en lui, en la grâce efficace de ses soins. Et puisqu'elle a osé douter de lui, il va le lui faire payer cher en l'accablant maintenant -- nonobstant ce qu'il vient de dire : « Ce que je lui reprochais » (mes reproches peuvent maintenant [50] répondre aux siens, puisque Dieu a manifesté, par mon succès, la justesse de ma position); « ce manque de foi » (posé dans l'absolu, sans complément : s'il est vrai que je suis disciple du Christ, alors son manque de foi en moi l'exclut implicitement des lumières divines, et pour un peu de la communauté chrétienne -- ce qu'Amélie reconnaîtra du reste, au début du Deuxième Cahier, en refusant de communier le jour de Pâques); « elle demeurait obtusement convaincue » (signe décidément irréfutable qu'elle est privée des lumières de la foi). Bref, ayant usurpé la qualité de prêtre, il s'est aussi transformé en grand inquisiteur, et il instruit le procès de sa femme pour manque de foi. Puisqu'il ne peut se débarrasser ni d'elle, ni de ses reproches, il la transforme en accusée devant le tribunal des lecteurs, témoigne de son étroitesse de vue et de son acariâtreté (« chaque fois que je m'occupais de Gertrude elle trouvait à me représenter que »...), et aboutit au verdict : elle est condamnée pour « jalousie maternelle ». A sa maternité biologique et terrestre, le Pasteur oppose une fois pour toutes sa qualité de Père, de disciple du Père céleste. Pour un peu, il pourrait répliquer à sa femme ce que Jésus rétorqua à douze ans, à ses parents qui le cherchaient : « Ne saviez-vous pas qu'il me faut être occupé des affaires de mon Père ? » (Luc, II, 49). Et c'est pourquoi, aussitôt après, il reprend sa fonction de pasteur pour prononcer un sermon sur cette « parabole de la brebis égarée » qui fonde la vérité de sa position, s'adressant à « certaines âmes, qui [...] se croient profondément chrétiennes » (p. 32) manifestant ainsi qu'il n'en a jamais fini avec le dialogue implicite avec Amélie, qu'il voudrait convaincre de la justesse de son droit. Ce faisant, c'est bien sûr lui-même qu'il tente d'abord de convaincre.

     Relevons enfin que cette tâche d'éducation que notre Pasteur oppose aux soins domestiques de sa femme, il l'appelle son « oeuvre » (p. 32). Cette « oeuvre », fondée sur son obéissance au Christ, sur le sens d'une élection divine, le situe d'emblée au-delà de toutes les contingences familiales, jugées mesquines.

III

     [51] On aura compris à quel point un tel plaidoyer de mauvaise foi du Pasteur, dont toute la stratégie narrative et discursive fait éclater l'ironie, est aussi et en même temps investi d'un plaidoyer pro domo de l'auteur, de Gide, sans qu'il y ait pourtant coïncidence de leurs propos et de leurs visées. Gide se sert de son Pasteur à la fois pour tenter de tirer son épingle du jeu en le dénonçant, et pour exprimer sa propre position par son truchement. D'où le caractère particulièrement retors, complexe, paradoxal et ambigu de l'ironie.

     Par conséquent, nous pouvons maintenant tenter d'éclairer la question de savoir à qui Gide s'adresse, quel est l'enjeu de son récit, et donc quelle nécessité le contraint à écrire La Symphonie pastorale en 1918.

     Reconnaissons d'abord une certaine analogie de situation avec son personnage, dont voici les principaux fils :

     1. De façon générale, Gide se sent l'objet d'une élection quasi divine et investi d'un devoir supérieur13, au nom de quoi il pourrait passer outre à ses obligations sociales et domestiques.

     2. Voulant se dire, il a tenté de fonder une connaissance de soi et l'autorité de sa parole sur la Parole de Dieu : d'où la quête religieuse de Numquid et tu...?, restée suspendue. Ce faisant, il s'est fait pasteur14.

     3. Il est transporté d'amour pour Marc Allégret, comme il le manifeste en particulier dans son Journal sous les noms de Fabrice et de Michel. Pour la première fois, il a l'impression de tromper sa femme. D'ou sa mauvaise conscience à son égard et la réactualisation de la problématique bonheur/ aveuglement qui, en 1893, était à la source du projet de L'Aveugle, et qui, provisoirement, avait trouvé une formulation ironique au coeur de Paludes :

 

« Etre aveugle pour se croire heureux. Croire qu'on y voit clair pour ne pas chercher à y voir puisque :

L'on ne peut se voir que malheureux. »

A quoi correspond cette corrélation :

 

« Etre heureux de sa cécité. Croire qu'on y voit clair pour ne pas chercher à y voir puisque :

L'on ne peut être que malheureux de se voir. » 15

[52] Telle pourrait être la formulation du vis-à-vis du Pasteur et de Gertrude. Notons que, dans Paludes, ce double énoncé fonctionnait comme modèle de raisonnement sophistique, et que notre Pasteur saura en prendre de la graine.

     Donc Gide se rend compte que son bonheur avec Marc n'est acheté qu'au prix d'une cécité vis-à-vis de Madeleine, ce qui le conduit à vouloir faire le point par le biais de sa fiction. Le Deuxième Cahier s'ouvrira sur cette mention de la fonction révélatrice et spéculaire de l'écriture :

 

« La nuit dernière j'ai relu tout ce que j'avais écrit ici...

     Aujourd'hui que j'ose appeler par son nom le sentiment si longtemps inavoué de mon coeur, je m'explique à peine comment j'ai pu jusqu'à présent m'y méprendre. » (p. 86)

     4. Nous avons rappelé qu'en 1914, Gide avait annoncé son prochain ouvrage sous le titre « Le Faux-monnayeur ». L'étude d'un type humain annoncée par ce singulier concernait l'écrivain faux-monnayeur16, et avant Robert de Passavant, avant Édouard, notre Pasteur sera le modèle du faux-monnayeur qui détient tout son univers sous sa plume et le modèle, en accommode les éléments, selon la logique de ses sentiments et de ses intérêts.

     5. Oser se dire, pour Gide, ainsi qu'il s'apprête à le faire dans Corydon et Si le grain ne meurt, c'est placer au centre du propos et du portrait le problème de l'homosexualité. Or cet aveu passe par l'élimination symbolique de sa femme, qu'il faut disqualifier comme épouse en la cantonnant à des tâches domestiques.

     « Ma joie a quelque chose d'indompté, de farouche, en rupture avec toute décence, toute convenance, toute loi », note-t-il le 30 novembre 1917 dans son Journal. Et le 20 janvier : « Le vent déjà tiède [...] soulève tous mes désirs. Je suis excédé de tranquillité, de confort... » Il lui faut partir, rompre les amarres, abandonner Madeleine-Ariane, le « « fil à la patte »17.

     De même que, pour pouvoir commencer à écrire, Gide a fait mourir symboliquement sa mère pour qu'advienne la parole d'André Walter, de même qu'il continuera à régler ses comptes avec elle dans Si le grain ne meurt qui ne clôt la période d'apprentissage qu'avec [53] la mort de la Mère, au moment même où la cousine Madeleine prend le relais de cette mère, de même il lui faut maintenant, pour oublier Corydon et Si le grain ne meurt, éliminer sa femme du débat et la supprimer comme interlocutrice et comme juge. C'est à quoi s'emploiera, on l'a vu, La Symphonie pastorale et tout ce qui lui reste attaché : la fuite en Angleterre et le drame des lettres brûlées qui, d'une certaine façon, font partie de la Symphonie.

     Donc, au seuil de l'année 1918, Gide est en proie à une double nécessité contradictoire. Il lui faut voir clair en lui, faire jouer la dialectique bonheur/aveuglement sur un de ses possibles : c'est la cause immédiate de la mise en chantier du livre, celle qui entraîne sa rhétorique la plus visible. Mais le procès sera gauchi à cause de la partialité de la voix narrative, avide de son droit au bonheur. D'autre part, au-delà de son droit au bonheur, Gide revendique son droit à affirmer son identité, sa spécificité, son droit à ne relever que d'une éthique supérieure qui est celle de son oeuvre, ce qui induit le nécessaire sacrifice de tout ce qui vient contrecarrer cette exigence intime de l'oeuvre. D'où cet acharnement mis par Gide autant que par son personnage à disqualifier avec hargne cette médiocrité d'Amélie engoncée dans ses soucis mesquins, dans ses vues étroites, dans son utilitarisme. On notera à quel point l'ironie est bien peu perceptible, pour ne pas dire absente, de ce procès instruit contre Amélie dans des passages tels que :

 

« Le seul plaisir que je puisse faire à Amélie, c'est de m'abstenir de faire les choses qui lui déplaisent. Ces témoignages d'amour tout négatifs sont les seuls qu'elle me permette. A quel point elle a déjà rétréci ma vie, c'est ce dont elle ne peut se rendre compte. Ah ! plût à Dieu qu'elle réclamât de moi quelque action difficile ! Avec quelle joie j'accomplirais pour elle le téméraire, le périlleux ! Mais on dirait qu'elle répugne à tout ce qui n'est pas coutumier; de sorte que le progrès dans la vie n'est pour elle que d'ajouter de semblables jours au passé. » (p. 52)18

     On comprend alors comment le projet de la Symphonie s'est trouvé gauchi en cours de rédaction. Commençant à écrire avec l'intention d'instruire le procès d'un pasteur faux-monnayeur et de sa cécité [54] volontaire, Gide est en quelque sorte rattrapé par son personnage pour tout ce qui touche à ses relations avec sa femme. Il lui faut se débarrasser de ses reproches, s'adresser indirectement à elle pour l'exclure de son champ d'action, la débouter comme juge de lui-même, l'enfermer dans son univers de maîtresse de maison, tout en protestant de son respect et de son affection selon la logique qu'il reprendra, après la mort de Madeleine, dans Et nunc manet in te.

     Lorsqu'au début du Deuxième Cahier, après l'écriture du 25 avril centrée sur le constat qu'Amélie et Jacques sont restés éloignés de la Table Sainte, Gide estime avoir rompu symboliquement avec sa femme, il part pour l'Angleterre. Pour manifester son autonomie et son troit au bonheur ? Pour accomplir sur Marc son oeuvre d'éducation ? Peut-être, mais surtout pour pouvoir achever La Symphonie pastorale, selon cette dialectique de la vie et de l'oeuvre qu'il mettra notamment en scène dans Les Faux-monnayeurs, avec cet épisode où Édouard fait lire à Georges un fragment de son oeuvre, attendant que les événements l'instruisent et lui dictent la suite du livre.

     Mais il est bien loin d'en avoir fini avec Madeleine, ce que prouve déjà l'« état d'angoisse inexprimable »19 qui le saisit au moment où il prend le large. Sartre a longuement analysé les rapports de l'angoisse et de la conduite de mauvaise foi20. Pour trancher ce noeud gordien il faudra que, par une mystérieuse mais nécessaire connivence, Madeleine collabore au projet en détruisant leur correspondance, l'essence de leur dialogue, pour que Gide ose pousser au bout sa logique, couper définitivement le dialogue, poursuivre son oeuvre en s'affirmant tel qu'il est. A sa manière, Madeleine a compris l'exigence implicite d'André qu'elle se sacrifie au profit de l'oeuvre à venir. Donc, en 1918, l'alternative se résumait en ce choix : Si le grain ne meurt... vs. Occupe-toi d'Amélie... Mais en l'occurence, c'est Madeleine le bon Pasteur qui se sacrifie pour la brebis égarée... ou pour que le grain donne beaucoup de fruit.

     Reste qu'il ne faudrait pas assimiler trop vite Gide à son Pasteur. Tandis que celui-ci est un pharisien dont le discours vise à la justification, celui-là est un expérimentateur dont l'esprit critique [55] reste en alerte, qui ne s'abandonne pas à un seul point de vue, demeure sensible aux contradictions sans vouloir les réduire à une harmonie artificiellement et mensongèrement conquise. D'où le jeu subtil de la Symphonie : Gide accompagne son Pasteur tout en le condamnant, pense sauver sa mise en instruisant le procès d'un de ses possibles, et c'est dans ce jeu que se déploie la gamme de l'ironie narrative et discursive. Ironie qu'il est impossible de circonscrire dans des limites qui ne peuvent que varier avec l'appréciation du lecteur. Car Gide, écrivant sa Symphonie pastorale, s'est mis dans la situation de subir en retour le régime ironique de son écriture.21

 

Notes

1. André Gide, La Symphonie pastorale, édition établie et présentée par Claude Martin. Paris, Lettres Modernes, col. "paralogue", 1970, p. XXXII-XXXIII. Toutes nos références au texte de La Symphonie pastorale renvoient à cette édition, à la page précisée entre parenthèses, après chaque citation.

2. Cf. « Projet de préface pour La Symphonie pastorale », op. cit., p. 134.

3. A. Gide, Romans. Récits et soties. Oeuvres lyriques. Pléiade, p. 679.

4. Voir : « [...] c'est celui de mes livres que je sacrifierais le plus volontiers [...]  », « cet état d'anachronisme », « rien ne m'écoeurait plus » ("Projet pour La Symphonie pastorale », p. 134-136).

5. Voir la liste des « Ouvrages du même auteur », en tête des deux éditions des Caves du Vatican, de 1914.

6. Journal de 1889-1939, Pléiade, p 41.

7. Cité par Kundera, L'Art du roman. Paris, Gallimard, 1986, p. 163.

8. Comme par exemple : « J'avais passé la nuit à me persuader que l'amour de Jacques était tout naturel et normal au contraire. D'où venait que mon insatisfaction n'en était que plus vive ? » (p. 66); ou « que signifiait cette insinuation ? C'est ce que je ne savais, ni ne voulais chercher à savoir [...] » (p. 72).

9. Rappelons que, pour Sartre, les « salauds » sont « ceux qui se sont arrangés pour mettre le Bien et le Droit de leur côté, ceux dont l'existence est d'emblée fondée et justifiée » (F. Jeanson, Sartre par lui-même. Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1955, p. 32).

10. Marc Angenot, Glossaire de la critique littéraire contemporaine. Montréal, Hurtubise HMH, 1972, p. 56.

11. Rappelons que Numquid et tu...? fait explicitement référence, par ses épigraphes, aux reproches que les pharisiens adressent à leurs agents (« Avez-vous été séduits, vous aussi ? ») et à Nicodème (« Serais-tu Galiléen, toi aussi? ») (Jean, VII, 47 et 52), et implicitement à la question de la servante adressée à Pierre : « N'es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? » (Jean, XVIII, 17). Le titre des mémoires, Si le grain ne meurt, rappelle l'enseignement du Christ avant sa Passion : « Si le grain de blé ne meurt après être tombé en terre, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit  » (Jean, XII, 24). Comme le Christ accomplit sa mission de salut en se sacrifiant sur la Croix, Gide consent à se sacrifier aux yeux du monde en osant dire qui il est.

12. Cf. : "El Hadj ! [...] c'est en ta foi que je repose ; en ta croyance en moi que je puise la certitude de ma vie. » (El Hadj, in Romans, récits et soties, Pléiade, p. 353).

13. Pour le sens d'une élection personnelle, voir par exemple l'épisode du canari, dans Si le grain ne meurt « "N'as-tu donc pas compris que je suis élu ? », Pléiade, p. 479); pour celui du devoir, la publication de Corydon.

14. Rappelons le vers fort juste de Boileau : « Tout protestant fut pape, une Bible à la main. » (Satires, XII, v. 22).

15. Paludes, in Romans, récits et soties..., Pléiade, p. 114.

16. Voir Alain Goulet, « Ces faux-monnayeurs... qui sont-ils ? », Cahiers du CERF XXe, n° 4, 1988.

17. Cf. « Considérations sur la mythologie grecque », Morceaux choisis. NRF, 1921, p. 191.

18. A ce passage, qu'il faudrait citer plus longuement, ajoutons notamment ceux de la p. 90 (« je connais trop bien Amélie »...etc...), et de la p. 102-104 (« Sarah ressemble à sa mère"... etc...).

19. Journal 1889-1939, Pléiade, p. 656.

20. Voir L'Être et le Néant, lère partie, notamment : « Je fuis pour ignorer mais je ne peux ignorer que je fuis et la fuite de l'angoisse n'est qu'un mode de prendre conscience de l'angoisse. [...] Je puis disposer d'un pouvoir néantissant au sein de l'angoisse même. Ce pouvoir néantissant néantit l'angoisse en tant que je la fuis et s'anéantit lui-même en tant que je la suis pour la fuir. C'est ce qu'on nomme la mauvaise foi. » (Gallimard, p. 81-2).

21. D'où sa tentation de dénégation obstinée, lorsqu'il veut nous persuader, par exemple dans son «Projet de Préface », qu'il a écrit son livre dans un « état d'anachronisme ». Mais on peut aussi noter que c'est précisément sur cette affirmation de mauvaise foi qu'il abandonne sa Préface, qu'il ne publiera jamais. De même, au cours du colloque, Michel Drouin me rappelle cette lettre à Raymond Bonheur, du 30 déc. 1919, dans laquelle Gide parle de « l 'intellectualité que comportait ce sujet » qui lui « a fait traiter ce livre comme un véritable pensum. » (Le Retour, Ides et Calendes, p. 105).

 

     Alain GOULET, professeur de littérature française à l'Université de Caen, est l'auteur de nombreuses études sur l'oeuvre d'André Gide, notamment : « Les Caves du Vatican » d'André Gide. Etude méthodologique. Paris, Larousse, "Thèmes et textes", 1972 ; Giovani Papini juge d'André Gide. Lyon, Centre d'Études Gidiennes, l982 ; Fiction et vie sociale dans l'oeuvre d'André Gide. Paris, Minard, "Bibliothèque des Lettres Modernes", 1986 ; (et Publications de l'Association des Amis d'André Gide 1984-1985) ; Les Faux-Monnayeurs mode d'emploi. Paris, SEDES, 1991 ; Lire Les Faux-Monnayeurs de Gide. Paris, Dunod, 1994. Il prépare actuellement un cédérom: Edition génétique des Caves du Vatican d'André Gide, qui sera diffusé par Gallimard fin 2000.

     Ses autres publications et ses directions de travaux portent sur la littérature française du XXème siècle (Beckett, Robbe-Grillet, Sarraute, Duras, Perec, Modiano, Le Clézio, S. Germain ... ).