La Marseillaise

26 juillet 1892

 

Charles-Henry Hirsch

 

Au fur et à mesure des pages, en nombre trop parcimonieux, nous avons été ému de plus en plus, par les intimités qu'elles dévoilent, — intimités intellectuelles, délicates sans mièvrerie. Non, certes, on n’y trouve pas de grands élans dans l’abstrait, de ceux-là qui, jusque au fond, remuent l’être. Mais combien le poète atteint au but proposé d’intéresser l’âme ; graduellement, par la description des inquiétudes et des recherches de son âme à lui — pour aboutir à peindre la nature, la receleuse de tous symboles ! Il l’a comprise, il a pénétré son éloquence secrète ; l'intense suggestivité des Polders flamands où tout est mystérieusement gris ; des Landes tristes qui reflètent la vie et les heures tristes où découragé l'on s'abandonne au sort...

Notre préférence élit Le Parc, une des pages les plus intensément pensées peut-être. Nous y avons vu, clairement symbolisé, l'escarpement de l'Idée, son domaine fermé que nul n'a parcouru, où nul jamais n'entra, mais que d'aucuns connurent seulement de s'en approcher et par ce qui tombe — feuilles, fleurs ou fruits ! — du jardin sans porte. C'est également, comme naguère nous le remarquâmes, le thème philosophique des aimées Sept Princesses, de Maeterlinck. — l'absolu de l'Idée fermé aux hommes.

M. André Gide l'exprime ainsi :

 

Quand nous avons vu que la petite porte était fermée,

Nous sommes restés longtemps à pleurer ;

Quand nous avons compris que ça ne servait pas à grand'chose

Nous avons repris lentement le chemin.

Tout le jour, nous avons longé le mur du jardin,

D'où parfois nous venaient des bruits de voix et de rires ;

Nous pensions qu'il y avait peut-être des fêtes sur l'herbe,

Et cette idée-là nous faisait mélancoliques.

Le soleil vers le soir a rougi les murs du parc ;

Nous ne savions pas ce qui s'y passait, car on ne voyait

Rien que des branches qui, par-dessus le mur, s'agitaient

Et qui laissaient de temps en temps tomber des feuilles.

 

Dans ces trois strophes seules, on observera une instabilité de rythme excessive. Elle existe dans toutes les Poésies d'André Walter, ainsi que des heurts répétés d'hiatus, voulus évidemment, mais souvent disgracieux. C'est là notre seule critique sur ces vers ; ils sont d'un vrai poète. — capricieusement naïf et penseur.