[Source non identifiée]

 

[Extrait d’une conférence prononcée le]

14 février 1918

[par]

Jean-Pierre Altermann

 

L’art de la France nouvelle

 

[…] Je veux marquer que la seule présence parmi nous d’un homme du rang de M. André Gide assure avec le renom littéraire de ce temps, le meilleur gage de notre avenir. Un seul de ses livres, La Porte étroite, qui est un pur chef-d’œuvre, saurait lui bailler la gloire. Tous les autres, et le genre chaque fois différent, Le Roi Candaule, L’Immoraliste, Le Retour de l’Enfant prodigue, et depuis les Cahiers d’André Walter jusqu’à ces admirables Caves du Vatican, à la veille de la guerre publiées, sont inoubliablement sollicitants, influents et je ne dirai pas captivants, mais libérateurs car chacun d’eux étanche quelque soif. On a dit que ce qui est le plus attirant dans un livre, c’est qu’il révèle une originale vision du Monde, une encore inédite attitude devant la vie. C’est pourquoi certains livres de début offrent souvent un attrait incomparable : car l’auteur, s’ignorant soi-même encore, s’il n’écrit pour se faire davantage connaître n’écrit que pour se connaître un peu mieux. Tous les livres de M. André Gide sont des livres de début, et c’est cela qui est si beau, autant que la qualité d’art. Quant à la critique par où il se distrait parfois, elle est la plus précieuse car elle est impartiale. La justesse de l’esprit qui goûte la volupté de comprendre entraîne la justice du jugement. Aussi toujours attentive à souligner ce qui mérite audience qu’à se navrer sans réserve de ce qui défaille, la critique de l’auteur des Prétextes est la plus utile, car elle contraint celui qui se soumet à son examen à la nécessité d’être parfait. M. André Gide est un des ces écrivains les plus rares de notre littérature et une personnalité d’une incontestable originalité et rien n’est plus savoureux vraiment que l’ensemble que d’aucuns jugent indéfinissable d’une personnalité dont certains dons seuls, détachés, renouvellent pour nous le prix de la curiosité d’un Stendhal, de la séduction d’un Wilde, et de l’excellence d’écriture d’un Baudelaire.

 

Retour au menu principal