L’Ermitage

[juillet 1901]

 

[Anonyme]

 

C’est simplifier en effet, et hautement, que de retirer de l’œuvre d’art tout ce qui n’est pas le développement d’une pensée maîtresse, et de n’y plus tolérer d’émotions que celle de l’esprit. On ne voit pas que la poésie se soit encore essayé à cette allure sévère, si conforme cependant à notre sens et à notre langue : des poèmes en logique. Si la décoration moderne, qu’on a appelé sans doute d’un mot étranger pour créer un malentendu ou un sous-entendu, car modern style en anglais, c’est absence de style moderne français, si ces tendances confuses doivent se discipliner un jour, ce ne sera qu’en vertu d’une raison de plus en plus serrée. Le théâtre seul et le roman semblèrent se préoccuper de conditionner des œuvres selon les principes exposés par Paul Adam dans la préface du Mystère des Foules. Ce qu’il appelle « le théâtre forain » tombe de plus en plus dans la défaveur et l’exemple de Madame Bovary, de Flaubert, du Disciple de Bourget, des Contes de Villiers de l’Isle-Adam, et des idéologies d’Ibsen, a fructifié, malgré le silence de M. Beaubourg. Vingt pièces de théâtre Antoine le prouvent ; on y sait que le meilleur moyen d’émouvoir et de faire surgir la foule est de résonner purement avec elle, et j’aime que, dans la pièce de Gide, le Roi Candaule donne volontairement sa femme à Gygès par méthode de pensée, et qu’un franc langage y assemble des mots d’une valeur « chaste et classique ». Car il n’est pas d’artistes, qui ne soit assuré de se grandir par la haine du superflu sentimental. Qu’il y aurait à mettre ici d’espérances, si l’on osait !

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