L’Indépendance

1er janvier 1912

 

Jean Variot

 

Un échange de lettres

 

On a vu, dans le dernier numéro de l'Indépendance, que M. Jacques Copeau a eu peur de venir sur le terrain. J'ai donc adressé à M. André Gide la lettre suivante :

 

Jeudi, 14 décembre 1911

Monsieur,

Dans la Nouvelle Revue française du 1er décembre 1911, M. Jacques Copeau a écrit un article dont je n'admets pas les termes. Je lui ai envoyé mes témoins : il s'est dérobé.

Dans ces conditions, c'est à vous que je m'adresse pour couvrir celui que je considère en quelque sorte comme votre subordonné. Il est absolument inutile de m'objecter que votre nom ne figurant pas sur la couverture de la Nouvelle Revue française, vous n'avez pas à me rendre raison. Tout le monde sait que la Nouvelle Revue française paraît sous votre direction morale. Tout le monde dit : « La revue de Gide. » Je ne connais donc, et ne veux connaître que vous, vous seul, comme responsable de ce qui s'est dit de moi à la Nouvelle Revue française. Je vous prie donc, en conséquence, de faire le nécessaire pour que deux de vos amis entrent en pourparlers avec mes témoins, et cela dans les 24 heures.

Je vous prie de réfléchir profondément à ceci : à savoir que lorsque la Nouvelle Revue française rend de signalés services aux belles lettres, c'est à vous que l'on rend hommage, et qu'il est juste, à rebours, que l'on s'adresse à vous lorsqu'un de vos collaborateurs n'a pas le courage de défendre ses propres paroles.

Recevez, Monsieur, mes salutations.

Jean Variot.

 

M. André Gide m'a répondu la lettre que voici :

 

Villa Montmorency, 15 décembre 1911.

Monsieur,

J'ai le regret de ne pouvoir accéder à votre désir. Mon ami Jacques Copeau a répondu à l'envoi de vos témoins dans des termes que je fais miens du moment que vous me voulez responsable de l'article incriminé.

Recevez, Monsieur, mes salutations.

André Gide

 

En priant M. André Gide de constituer des témoins et de les mettre en rapport avec les miens, je lui accordais la qualité d'offensé et le choix des armes. Je ne lui demandais qu'une réparation, à laquelle j'estimais avoir droit.

M. André Gide, n'osant pas se battre, je prendrai à son égard telles dispositions qu'il me conviendra de prendre puisque c'est à lui seul, dorénavant, que j'entends avoir à faire, en vertu du principe qui consiste à s'attaquer aux chefs et jamais à l'un quelconque des subalternes.