CRISE ET EPANOUISSEMENT

(1914-1925)

     Peu après le début de la guerre, il consacre tout son temps, aux côtés de Charles Du Bos et de la femme du peintre belge Théo Van Rysselberghe (il est lié d'amitié avec les Van Rysselberghe depuis une quinzaine d'années), à une oeuvre d'aide aux réfugiés des territoires français et belges envahis par les Allemands, le Foyer Franco-Belge. Publication des Souvenirs de la Cour d'Assises et des Caves du Vatican.

     Gide traverse en 1915-16 une crise religieuse, d'où sortiront les méditations de Numquid et tu... ?. Henri Ghéon se convertit au catholicisme, tandis que Madeleine semble aussi peu à peu se rapprocher de l'Église romaine ; en mai 1916, elle ouvre une lettre adressée du front par Ghéon à Gide, lettre qui lui en apprend beaucoup sur les moeurs et le passé de son mari... Après vingt années heureuses de mariage, première altération du bonheur du couple. Gide travaille à Corydon et à ses mémoires. En décembre, dans le train qui les ramène des funérailles de Verhaeren, Gide fait passer à Élisabeth Van Rysselberghe (fille des Théo et alors âgée de vingt-six ans) un billet lui disant qu'il aimerait avoir un enfant d'elle... Début de la liaison amoureuse de Gide avec Marc, seize ans, fils du vieil ami de la famille le pasteur Allégret ; Gide et Marc font, en août 1917, un séjour en Suisse. Composition des premiers fragments des Nouvelles Nourritures. En 1918, traduction du Typhon de Conrad et d'oeuvres choisies de Walt Whitman. Le 18 juin, Gide part avec Marc pour un séjour de quatre mois en Angleterre : « ... l'océan de mon bonheur... » ; le 21 novembre, à Cuverville, il apprend de Madeleine que, sitôt après son départ pour l'Angleterre, elle a détruit toutes les lettres qu'il lui avait écrites depuis leur jeunesse : « Je souffre comme si elle avait tué notre enfant... Peut-être n'y eut-il jamais plus belle correspondance ... » [20]. Longs mois d'abattement. En 1919, Gide publie La Symphonie pastorale et un fragment de ce Traité des Dioscures longtemps projeté mais jamais achevé, Considérations sur la Mythologie grecque ; il commence Les Faux-Monnayeurs ; il salue (dans La N.R.F. qui reparaît sous la direction de Jacques Rivière, après l'interruption de la guerre) la naissance de Dada et les premiers pas du Surréalisme.

     1920-21. Par fragments dans La N.R.F. d'abord, puis en deux volumes tirés à 13 exemplaires, Gide publie Si le grain ne meurt. Amitié de plus en plus étroite avec Martin du Gard : ils se lisent Les Faux-Monnayeurs et Les Thibault au fur et à mesure de leur composition, et se conseillent l'un l'autre. En 1921, Gide prépare soigneusement et publie des Morceaux choisis (NRF) et des Pages choisies (pour la « Bibliothèque de l'Adolescence » de l'éditeur Crès). Début des violentes campagnes d'Henri Béraud, puis d'Henri Massis, contre Gide et ses amis de La N.R.F., les « longues figures ».

     1922. Gide donne six conférences sur Dostoïevski au Vieux-Colombier (février-mars), publie Numquid et tu...? et une traduction du Mariage du Ciel et de l'Enfer de William Blake. Le 16 juin, première de Saül au Vieux-Colombier avec Copeau et Louis Jouvet. Il passe l'été sur la côte d'Azur avec les Van Rysselberghe. 18 avril 1923, naissance à Annecy de Catherine, fille d'Élisabeth Van Rysselberghe et d'André Gide (qui l'adoptera après la mort de sa femme, en 1938) ; invité par Lyautey, Gide voyage alors au Maroc avec Paul Desjardins et Pierre Hamp. Il publie son Dostoïevsky remanié et complété, et la traduction qu'il a faite avec Jacques Schiffrin de La Dame de pique de Pouchkine. En 1924, Incidences, et l'édition courante et complète de Corydon.

     1925. Gide succède à Anatole France à la Royal Society of Literature de Londres (qui le rayera de ses membres au moment de son adhésion au communisme). Après avoir vendu une grande partie de sa bibliothèque et sa villa d'Auteuil, et terminé son roman, il s'embarque le 14 juillet avec Marc Allégret qui en rapportera un film, pour un long voyage au Congo et au Tchad ; chargé de mission par le gouvernement, il fera à son retour un rapport sur les grandes compagnies concessionnaires, qui déclenchera une enquête administrative et un débat à la Chambre. À Yoko le 1er mai 1926 peu de jours avant son retour en France, il note : « Quelques éreintements des Faux-Monnayeurs m'apprennent que le livre enfin a paru . » [21]. En 1926, paraissent également le Journal des « Faux-Monnayeurs », la première Lettre sur les faits-divers (Gide a ouvert une rubrique « Faits-Divers » dans La N.R.F.), l'édition courante de Si le grain ne meurt.

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