VIE D'ANDRE GIDE

(Paris, 1869 - Paris, 1951)

ORIGINES :

     Le 27 février 1863, au temple Saint-Éloi de Rouen, est célébré le mariage de PAUL GIDE (né en 1832 à Uzès, dans une famille protestante dont le premier membre connu semble être un Gido piémontais, venu s'installer comme humble « ménager  » à Lussan, près d'Uzès, à la fin du XVIe siècle et qui s'y est converti à la religion réformée) et de JULIETTE RONDEAUX (née en 1835 à Rouen, d'une famille anciennement catholique, mais chez qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, les hommes sont généralement libre-penseurs, et les femmes ferventes et rigoureuses protestantes). Tandis que les Rondeaux sont de riche bourgeoisie (le père de Juliette, Édouard Rondeaux, est un grand manufacturier d'indiennes, son oncle Jean a été député conservateur sous Louis-Philippe ; son grand-père, Charles Rondeaux de Montbray, joua un rôle important sous la Révolution et fut maire de Rouen) et font partie de la « H. S. P. » [1] de Rouen, les Gide jouissent d'une honnête aisance, sans plus : le père de Paul, Tancrède Gide, est président du Tribunal d'Uzès, et la famille a compté des négociants, des pasteurs...

     Paul Gide, reçu premier à l'agrégation de Droit en 1859, a été appelé à la Faculté de Paris dès 1862. Le jeune ménage s'installe 19, rue de Médicis [2], près du Jardin du Luxembourg. ANDRÉ-PAUL-GUILLAUME GIDE, son premier et unique enfant, y naît le lundi 22 novembre 1869, à trois heures du matin.

     De ce petit Parisien, l'enfance sera néanmoins rythmée par les vacances alternativement passées dans la Normandie maternelle et dans le Languedoc paternel, sous deux climats et dans deux milieux bien différents. « Selon des habitudes immuables, le jour de l'an se passait à Rouen, la pâque à Uzès, les mois d'été à La Roque-Baignard dans le pays d'Auge et à Cuverville dans le pays de Caux. » [3]. À Rouen, dans l'hôtel particulier, 18, rue de Lecat, de son oncle Émile Rondeaux, ou rue de Crosne, chez son autre oncle Henri Rondeaux (lequel, converti, est le seul catholique de la famille) ; au château de La Roque-Baignard, domaine de 425 hectares dans le Calvados (à 14 km au nord-ouest de Lisieux) que le grand-père de Gide, Édouard Rondeaux, avait acquis en 1851, ou dans celui de Cuverville-en-Caux, près de Criquetot-l'Esneval en Seine-Maritime [4] ; à Uzès, chez sa « bonne-maman », la veuve Tancrède Gide, dont l'arrière de la maison donne sur un renfoncement de la célèbre Place aux Herbes... À ces lieux de son enfance, il faut bientôt ajouter Montpellier où Charles Gide, « l'oncle Charles », frère cadet de Paul Gide (il est né en 1847), reçu à l'agrégation de Droit en 1874, est professeur d'économie politique à la Faculté, et Nîmes, près de laquelle les Charles Gide ont une petite propriété, « Les Sources ».

     Gide, plus tard, mettra complaisamment en relief la « duplicité » de ses origines -- « Est-ce ma faute à moi », s'écrie-t-il dans son Journal (2 décembre 1929), « si votre Dieu prit si grand soin de me faire naître entre deux étoiles, fruit de deux sangs, de deux provinces et de deux confessions ? » [5] -- et il fondera sur cette ambiguïté primordiale son refus de l'enracinement barrésien, son refus du choix :

     Entre la Normandie et le Midi je ne voudrais ni ne pourrais choisir, et me sens d'autant plus Français que je ne le suis pas d'un seul morceau de France, que je ne peux penser et sentir spécialement en Normand ou en Méridional, en catholique ou en protestant, mais en Français, et que, né à Paris, je comprends à la fois l'Oc et l'Oïl, l'épais jargon normand, le parler chantant du Midi, que je garde à la fois le goût du vin, le goût du cidre, l'amour des bois profonds, celui de la garrigue, du pommier blanc et du blanc amandier . [6].

Bien plus :

     Rien de plus différent que ces deux familles ; rien de plus différent que ces deux provinces de France, qui conjuguent en moi leurs contradictoires influences. Souvent je me suis persuadé que j'avais été contraint à l'¦uvre d'art parce que je ne pouvais réaliser que par elle l'accord de ces éléments trop divers, qui sinon fussent restés à se combattre, ou tout au moins à dialoguer en moi. [...] Les produits de croisement en qui coexistent et grandissent, en se neutralisant, des exigences opposées, c'est parmi eux, je crois, que se recrutent les arbitres et les artistes . [7]

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