L'EXIL ET LE RETOUR

(1940-1951)

     Pendant la guerre, sensible à tout ce qui devait, en France, « nous conduire, les yeux bandés, à la défaite », il ne goûte guère les flatus vocis patriotiques de la radio et trouve « admirable  », le 14 juin 1940, l'allocution où le maréchal Pétain déplore que « l'esprit de jouissance l'ait emporté sur l'esprit de sacrifice » ; mais après l'armistice, il note qu'il a entendu « avec stupeur » l'allocution du 23 juin : « Comment, ajoute-t-il, ne pas donner de tout coeur son adhésion à la déclaration du général de Gaulle ? », Gide est en zone libre, dans le Midi (en particulier à Cabris, près de Grasse, dans la propriété de sa vieille amie Mme Mayrisch, puis à Nice, chez ses amis Simon Bussy). Le 3 septembre 1943, il écrira : « Je ne me donne pas pour plus valeureux que je n'étais : ce n'est que vers mars 41 que je commençai à relever un peu la tête et repris coeur. Certain livre de Chardonne que je lus alors y servit, par opposition, et agit sur mon esprit à la manière d'un réactif .» Le 30 mars 1941, il se retire de La N.R.F., entraînée par Drieu La Rochelle dans la collaboration. Il publie Découvrons Henri Michaux, texte d'une conférence que les Légionnaires l'avaient empêché de prononcer le 21 mai à Nice.

     Le 4 mai 1942, Gide s'embarque pour Tunis. Il habite la villa des Théo Reymond, dont le fils François (Victor du Journal), auquel s'intéresse Gide, écrira dix ans plus tard un scandaleux Envers du « Journal » de Gide. Le 27 mai 1943, Gide quitte Tunis pour Alger, où il habite chez ses amis Heurgon et où il dîne, le 25 juin, avec le général de Gaulle. Il publie aux éditions Charlot à Alger Interviews imaginaires et Attendu que... en 1943, Pages de Journal 1939-42 en 1944, ainsi que sa traduction de Hamlet.

     Rentrée à Paris (mai 1945). Décembre 1945-avril 1946, voyage en Égypte et au Liban (le 12 avril, conférence, publiée à Beyrouth même : Souvenirs littéraires et problèmes actuels). Catherine Gide épouse Jean Lambert (août). Grand succès du film de Jean Delannoy, La Symphonie pastorale. Gide publie Thésée.

     Avec Jef Last, Gide assiste à Munich au Congrès de la jeunesse et il y prend la parole (juin). Il publie (à 13 exemplaires, pour fixer le texte d'un ouvrage qu'il veut posthume) Et nunc manet in te ; des plaquettes : Paul Valéry, Poétique, L'Arbitraire, et l'adaptation théâtrale qu'il a faite avec Jean-Louis Barrault du Procès de Kafka. Il reçoit, en juin le grade de Docteur honoris causa d'Oxford et, en novembre, le prix Nobel de littérature. En 1948 paraissent principalement sa Correspondance avec Francis Jammes et la farce qu'il a tirée de sa sotie, Les Caves du Vatican. Il travaille avec Pierre Herbart et Marc Allégret à une adaptation cinématographique d'Isabelle.

     En 1949, malgré sa santé très chancelante (début de congestion cérébrale en février, forte crise hépatique en mai qui le fait hospitaliser, insomnies, faiblesse cardiaque...), Gide enregistre à la Radio trente-quatre entretiens avec Jean Amrouche, publie Robert ou l'lntérêt général (comédie en cinq actes d'abord laborieusement écrite en 1934-36, au temps de la lune de miel avec le Parti communiste, « pièce nettement tendancieuse » au dire de son auteur et qui fut traduite en russe, puis complètement refaite en 1938-40 sans que d'ailleurs le résultat final le satisfît...) ; Feuillets d'automne ; Correspondances avec Paul Claudel et avec Charles Du Bos ; il réunit des textes de 1930-1937 sous le titre de Littérature engagée et termine son Anthologie de la poésie française qui paraît dans la « Bibliothèque de la Pléiade». Nicole Vedrès tourne La Vie commence demain, film centré autour de Gide, Le Corbusier, Sartre, Jean Rostand. L'année suivante Marc Allégret réalisera Avec André Gide [23].

     En février 1950, Gide s'installe à « l'Oiseau Bleu », la villa de Florence Gould à Juan-les-Pins ; voyage en Italie (avril-juillet). Il rentre à Paris le 13 septembre, assiste aux répétitions des Caves du Vatican au Théâtre-Français, où la première a lieu le 13 décembre, véritable apothéose. Il a, en 1950, publié son Journal 1942-1949 et laissé courir sa plume pour écrire Ainsi soit-il ou les Jeux sont faits (qui paraîtra en 1952).

     Lundi 19 février 1951, 22 h 20 : André Gide meurt à Paris, 1 bis, rue Vaneau, d'une congestion pulmonaire. La dernière phrase qu'il ait écrite : « Ma propre position dans le ciel, par rapport au soleil, ne doit pas me faire trouver l'aurore moins belle . » Ses dernières paroles : « J'ai peur que mes phrases ne deviennent grammaticalement inexactes » -- « C'est toujours la lutte entre le raisonnable et ce qui ne l'est pas »... Au scandale de plusieurs dont Martin du Gard, un pasteur bénit l'inhumation au cimetière de Cuverville (22 février). Peu après la mort de Gide paraît l'édition courante d'Et nunc manet in te, puis, en novembre, l'Hommage à André Gide de La N. R. F. ressuscitée (il lui avait été interdit de reparaître à la Libération, et elle ne renaîtra vraiment qu'en 1953). Le 24 mai 1952, un décret de la Suprema Sacra Congregatio Sancti Officii inscrit « Andreae Gide opera omnia » dans l'Index librorum prohibitorum.

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