LE CONTEMPORAIN CAPITAL

(1925-1940)

     Au faîte de sa gloire, « contemporain capital » (André Rouveyre), Gide ne publie que quelques minces plaquettes et le Voyage au Congo (1927). Mais, depuis son retour d'Afrique, une grande part de son activité est consacrée à dénoncer les exactions des grandes compagnies et du système colonial. Après la mort de Théo Van Rysselberghe, il vit désormais en étroite familiarité avec « Mme Théo », la « Petite Dame », leurs appartements parisiens du 1 bis, rue Vaneau, étant sur le même palier, -- le sien, ouvert à tout un chacun, était celui d'un homme en perpétuelle instance de départ... Madeleine ne quitte presque plus Cuverville.

    Nombreux voyages : Alger (janvier 1929), Allemagne (avril-mai 1930), Tunisie (novembre-décembre 1930), Berlin (juillet 1931), etc. Autre converti parmi les vieux amis de Gide, Charles Du Bos publie en 1929 Le Dialogue avec André Gide, commencé dans l'enthousiasme et la ferveur, achevé en critique rigoureuse (Mme Théo dit à Gide : « Il fait son salut sur votre dos »). 1928 : Le Retour du Tchad ; 1929 : L'École des femmes, Essai sur Montaigne ; 1930 : Robert, La Séquestrée de Poitiers, L'Affaire Redureau (ces deux derniers volumes dans une collection que Gide fonde à la NRF : « Ne jugez pas »), OEdipe, et le début de sa traduction d'Hamlet ; 1931 : Notes sur Chopin (dans la Revue musicale), préface à Vol de nuit et Divers (qui rassemble des plaquettes précédemment parues : Caractères, Dictées, Un Esprit non prévenu et Lettres). En 1932, la NRF commence la publication des ‘uvres complètes d'André Gide, dont le tome XV paraîtra en 1939. Gide s'intéresse alors de plus en plus à l'effort politique et social de l'U. R. S. S. ; depuis la guerre et son activité au Foyer Franco-Belge, depuis surtout son voyage en Afrique équatoriale, il s'ouvre aux questions sociales. À partir de juin 1932, il donne à La N.R.F. des Pages de journal où il marque sa sympathie grandissante pour le communisme et l'Union Soviétique. Le 7 juillet, il envoie son adhésion au Congrès mondial contre la guerre, dont l'idée a été lancée par Romain Rolland et qui se tiendra en août à Amsterdam. En juin-juillet 1933, Les Caves du Vatican paraissent en feuilleton dans L'Humanité. Le 4 janvier 1934, Gide et Malraux vont à Berlin réclamer à Goebbels la libération de Dimitrov et des autres communistes bulgares. Après les émeutes fascistes du 6 février à Paris, Gide entre au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

     Voyages : en Europe centrale (Karlovy-Vary, Prague, Ascona -- juillet-août 1934), au Maroc avec Jef Last, via l'Espagne (mars-avril 1935), à Dakar et en Afrique occidentale (février-avril 1936)... Il publie des traductions (Second Faust, 1932 ; Arden de Feversham, 1933 ; La Vie et la Mort de mon frère Rudolph de L. Tureck, 1934 ; Récits de Pouchkine, 1935) et Les Nouvelles Nourritures (1935).

     23 janvier 1935, débat à l'« Union pour la vérité » : André Gide et notre temps (autour de Gide : Massis, Fernandez, Maritain, Gabriel Marcel, etc.). Les 21-25 juin, Gide préside avec Malraux le premier Congrès international des écrivains pour la défense de la culture. Le 6 janvier 1936, Gide et d'autres intellectuels contraignent le gouvernement grec à libérer, parmi les 2 000 déportés politiques des îles, les écrivains Varnalis et Glincos.

     Le 17 juin 1936, alors que le gouvernement de Front populaire de Léon Blum vient de s'installer à Paris, Gide, invité par le gouvernement soviétique, s'embarque pour un séjour en U. R. S. S. avec Pierre Herbart, Louis Guilloux, Eugène Dabit et Jacques Schiffrin. En arrivant, il prononce sur la place Rouge son « Discours pour les funérailles de Maxime Gorki » (20 juin). La mort subite de Dabit, le 21 août à Sébastopol, fait rentrer précipitamment Gide et Herbart à Paris. En novembre, Gide publie Retour de l'U. R. S. S. qui a aussitôt un immense retentissement ; 1936 est également l'année de la publication de Geneviève, troisième volet (inachevé) de L'École des femmes. En décembre, Gide signe la Déclaration des intellectuels républicains contre la politique de non-intervention en Espagne. En juin 1937, la publication des Retouches à mon « Retour de l'U. R. S. S. consacre la rupture de Gide avec le communisme.

     Janvier-mars 1938, nouveau voyage en Afrique occidentale. 17 avril (dimanche de Pâques) : mort de Madeleine. « Je compris aussitôt que, l'ayant perdue, c'en était fait de ma raison d'être, et je ne savais plus pourquoi je vivais »... [22]. Il commence à écrire Et nunc manet in te (repris en février 1939, en Égypte). Au début de 1939, voyage au Proche-Orient (Grèce, Égypte) et au Sénégal ; il publie dans la « Bibliothèque de la Pléiade » son Journal 1889-1939 (deux volumes de Pages de journal 1929-32 et de Nouvelles Pages de journal 1932-35 avaient paru en 1934 et 1936).

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